La rencontre d'Ernestine et de Zyrtec

Publié le par Fannynette De Lux

Il était une fois, dans la pinède de Marseilleveyre, une lutine qui se nommait Ernestine.
C'était la plus mutine des lutines mais aussi la plus jolie et fantaisiste.

Ernestine portait un bonnet rouge, où tout au bout pendait un gros grelot qui tintait à chaque fois qu'elle faisait un mouvement (et c'est qu'elle en faisait, des mouvements !).

Elle avait une tunique rouge à pois noirs, qui retombait sur un pantalon bouffant, et des petites chaussures plates. Surtout, elle ne quittait jamais son sac, qu'elle portait en bandoulière; un petit sac rouge, évidemment !

Un jour qu'elle se baladait dans la pinède à la recherche de quelques pignes de pin à se mettre dans la pogne, elle entendit des pas froisser le tapis des herbes brûlées par le soleil.
Aussitôt, elle alla se planquer. Tapie comme un chat à l'affût, ses yeux noirs brillants dans le massif de ronces, elle observa.

Il devait bien faire deux mètres, ou plus ! Et tout maigre avec ça ! Il avait les cheveux blonds et tout raides qui retombaient sur son nez fin et long, et aussi sur ses grandes oreilles pointues. Tous ses vêtements étaient trop courts : sa chemise, son pantalon et... Ah ! non, il ne portait même pas de chaussures !! Comme ça, pieds nus à marcher dans les épines de pins ?

Il se baladait un panier à la main, et devisait avec deux hobbits.
Un couple apparemment, deux jolis petits hobbits joufflus, bruns bouclés, tout deux munis de magnifiques poils bouclés aux pieds. Eux aussi avaient des paniers et la scène, de loin, embaumait la pastorale.
Les trois (?) hobbits commencèrent à cueillir des mûres dans les ronces alentours, tout en chantant (plus ou moins juste) quelques chansons populaires du cru.
Petit à petit, le couple s'éloigna et alla vite trouver un bosquet coquet pour aller batifoler.
Le troisième larron se retrouva seul. Il ricana un peu puis se remit d'arrache-pied à son dur labeur de cueillette.

Evidemment, il n'y aurait pas d'histoire si ce qui suit n'arrivait pas.
Donc fatalement notre grand échalas, croyant tirer sur une baie, tira sur le grelot du bonnet d'Ernestine, qui bondit de son fourré en poussant un cri strident, et en se jetant sur lui - qui, surpris de se retrouver avec une lutine dans les bras (au lieu de fruits, bien sûr), s'étala à terre en poussant un cri cristallin lui aussi. Tous les deux se débattirent un moment, avant de retrouver un certain sens commun.
Finalement, Ernestine tira de son sac une poignée de poudre et en aspergea son agresseur en prononçant la formule magique " PASBOUGER !" 
L'autre s'immobilisa, allongé de tout son long par terre, la lutine à califourchon sur lui, le menaçant d'une autre poignée de poudre. 
Leurs quatre yeux noirs se croisèrent.
" Putain t'es qui toi !" prononça-t-elle enfin, essoufflée par l'effort.
" Zyrtec ! Je m'appelle Zyrtec ! Je suis juste un hobbit, rien de plus, laissez-moi vivre Madame, et je jure que je ne profanerai plus votre buisson !"
Ernestine le toisa un moment, histoire de voir s'il se foutait vraiment de son minois, ou si elle était tombée sur le ravi du village, mais à le voir paniquer, dans l'expectative, elle se résolut à adopter la solution la plus appropriée : elle éclata de rire. Un rire fort, aigu, assumé. Elle en vint même aux larmes. Elle se releva un peu, et rangea sa poignée de poudre. Elle épousseta ses mains et les colla sur ses hanches.
" Toi, avec tes deux mètres de long, ton teint blanquinasse et tes joues imberbes, tu te prend pour un hobbit !!"
Elle repartit à rire, mais Zyrtec, lui, ne riait pas le moins du monde, au contraire les larmes lui venaient même aux yeux (qu'il avait jolis d'ailleurs).
"Oui ! Je suis un hobbit, je ne vois pas ce qu'il y a de drôle. Certes je suis un peu... grand, c'est vrai, mais dans ma famille on est tous un peu plus grands que la moyenne. Mon grand-père faisait 1m45, m'a raconté ma mère ! Et moi je n'en fait que 1,90, c'est grand, certes, mais je te jure, je suis un hobbit. Tout ce qu'il y a de plus hobbit".

Elle lui sourit franchement. Celui-là avait manifestement un vrai problème d'identité.
"Tu sais, des hobbits j'en vois pas mal même s'ils ne me voient pas tout le temps et toi, j'veux pas dire mais, tu m'as tout l'air d'un elfe, plus qu'autre chose."
"Eyh ! Pour qui tu te prends ! De toute façon ton avis m'importe peu, des fées comme toi j'en ai rencontré quelques-unes et elle ont toutes eu le même discours que toi (en moins vexant tout de même), et je sais très bien qui je suis, merci !"
"Alors d'abord, je ne suis pas une de ces gourgandines de fées mais une LUTINE ! et je suis désolée de t'atteindre en plein dans ta fierté toute bien placée d'"hobbit", mais tu est un elfe, j'te jure !"

Elle se releva totalement et alla s'asseoir sur un rocher un peu plus haut, afin de lui faire face une fois qu'il se serait remis debout. Il essaya mais immobilisé par le sort, il ne put se dresser et la regarda, mi-suppliant, mi-agacé. Elle leva les yeux au ciel et tira de son sac une poignée de poudre qu'elle lui lança dessus.
 "LIBEERE", prononça-t-elle, et il put de nouveau se mouvoir.
Il s'assit en face d'elle et releva son long nez pour la regarder. Elle était vraiment jolie.
" Je t'ai vexée ?
- Non, penses-tu ! Mais tu devrais réfléchir à ce que je t'ai dit; rentre chez toi et reviens demain, histoire de voir si tu es toujours aussi tronche d'âne !
- Heu...
- Non non, fais ce que je te dis !
- Bon. On verra bien."
Il se releva encore et la salua. En partant, il se retourna et lui demanda encore :
"Alors demain ? Ici ?
- Oui, c'est ça.
-Et comment tu t'appelles ?"
Elle lui sourit devant tant de désarroi:
"Ernestine ! je m'appelle Ernestine".

Elle lui fit un dernier signe de la main et s'en retourna à sa cueillette.
Au passage elle ramassa le panier plein de baies que Zyrtec avait oublié dans sa confusion, et en mangea quelques-unes.

Publié dans Conte de la Garrigue

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